- le 16 juillet 2019 -

Vous prendrez bien un peu de récup’ avec ce chantier ?

Rencontre avec Joanne Boachon de Mineka

En aborigène, Mineka évoque le Phoenix. Celui qui renaît de ses cendres. Ce nom, cette association d’architectes ne l’a pas choisi par hasard. Sa mission : offrir une 2ème vie aux matériaux de chantier. Depuis 3 ans, la petite équipe et ses bénévoles font le tour des chantiers de la région pour récupérer les chutes et ce que beaucoup appellent les « déchets » qu’ils revendent à petit prix dans leur dépôt. Rencontre avec Joanne Boachon, directrice de l’association.

Ré architecture : Comment est née l’idée de créer Mineka ?

Joanne : « L’association a été créée en 2016 par un petit collectif d’architectes dont je faisais partie. Architecte de formation, j’ai en plus un master d’architecture et de développement durable en poche. Mon rêve c’était de faire de l’architecture environnementale. Et puis, j’ai commencé à travailler. Peu à peu, j’ai perdu de vue ce qui faisait le sens de mon travail. En 2015, quand j’ai entamé ma formation HMO (Habilitation à la Maitrise d’œuvre en son Nom Propre), j’ai choisi d’orienter mon mémoire sur le réemploi. Je me suis lancée dans une grande enquête en partant à la rencontre de tous les acteurs du réemploi en France. J’ai découvert que plein de monde était intéressé par le réemploi et motivé pour s’y mettre, mais que personne ne savait comment s’y prendre, et surtout où se fournir. C’est de là qu’est née l’idée de Mineka. Son pari : retourner ce problème et créer une solution pour le réemploi des matériaux de chantier. »

Ré : Quelle est la mission de Mineka ?

Joanne : « Notre mission c’est de favoriser le réemploi dans le secteur de la construction. Et il y a fort à faire quand on sait que ce secteur est le plus gros producteur de déchets en France : 227,5 millions de tonnes de déchets par an ! Nous avons 3 axes d’action. Nous allons à la rescousse des matériaux destinés à la benne et nous les revendons à prix solidaires. Nous accompagnons aussi les pros dans leur démarche de réemploi. Et nous sensibilisons le grand public au réemploi. »

« Notre mission c’est de favoriser le réemploi dans le secteur de la construction. »

Joanne Boachon

Ré : Et concrètement comment cela fonctionne une collecte ?

Joanne : « La première chose à préciser c’est que l’on ne récolte que des matériaux de chantiers professionnels sur le territoire de la métropole de Lyon. On passe d’abord sur le chantier faire un repérage et déterminer quel déchet est en fait une ressource. Ensuite on organise une collecte quand on estime qu’il y a au moins 500 kg de matériaux à récupérer (parfois un peu moins si l’on organise une collecte de plusieurs chantiers en même temps). Dans tous les cas, c’est toujours nous qui nous déplaçons afin de pouvoir maîtriser notre stock. Stock situé à Vaulx-en-Velin, dont nous ouvrons les portes tous les vendredis après-midi à nos adhérents pour qu’ils puissent faire leur approvisionnement. »

Ré : Il y a des critères précis sur les matériaux récupérés ?

Joanne : « On récupère des matériaux de construction de gros œuvre et second œuvre. Pas de déchets dangereux ou amiantés, pas de trop gros gisements (on nous a un jour proposé 1000 baignoires !) ni d’électronique, et pas de terre. En fait, la vraie limite c’est notre capacité de stockage et l’imagination sur le potentiel de réemploi ! Il nous arrive parfois de récupérer des éléments insolites très qualitatifs comme des tableaux d’école par exemple. Avec le recul, on a aussi plus d’expérience pour savoir quel matériau on peut récupérer ou non. Un exemple ? Les pros veulent souvent nous donner des dalles de faux plafond, mais on ne les prend plus car il n’y a pas de demande. De notre côté, on récupère les matériaux en l’état et on les revend en l’état sans intervenir dessus. Après, on définit un prix à chaque matériau. En général, à -70 % du prix du neuf. »
Exergue : En fait, la vraie limite c’est notre capacité de stockage et l’imagination sur le potentiel de réemploi !

Ré : Comment est-ce que nous, les architectes, pouvons accompagner votre démarche ?

Joanne : « En parlant de nous sur vos chantiers ! Ce qui est idéal c’est quand l’équipe de maîtrise d’œuvre et l’équipe de maîtrise d’ouvrage sont partantes. Aujourd’hui un point bloquant reste la législation et les bureaux de contrôle, on récupère toujours un maximum de PV (Procès Verbaux) et de fiches techniques mais, parfois, cela ne suffit pas. Alors notre conseil à nous c’est de commencer par faire du réemploi sur des petits projets et d’augmenter progressivement. Aujourd’hui le cadre règlementaire est encore trop complexe pour s’attaquer à du structurel. »

Ré : Est-ce que vous accompagnez les pros dans le réemploi ?

Joanne : « Oui nous avons développé une prestation spécifique : ils viennent avec une liste de courses et c’est nous qui cherchons les matériaux qu’ils veulent. On est toujours tributaire du gisement disponible donc il faut pouvoir s’adapter un peu, mais cela permet d’être au plus proche de leurs attentes. »

Ré : Qui vient chercher des matériaux dans votre dépôt ?

Joanne : « Nos adhérents : il faut en effet adhérer à l’association pour pouvoir en acheter. On a majoritairement des particuliers, beaucoup d’associations de la construction alternative et la proportion des pros augmente aussi. C’est vrai que, comme au niveau des architectes, on sent un vrai changement dans la jeune génération d’artisans. »

Ré : Des partenaires qui vous inspirent ?

Joanne : « Il y en a pleins et je ne voudrai vexer personne… J’admire particulièrement tout ce que fait le collectif Pourquoipas, le studio Rotor ou encore l’association Bellastock. »

Ré : Et Mineka dans 10 ans, à quoi ça ressemblera ?

Joanne : « Aujourd’hui notre challenge est de pérenniser le projet et de sécuriser notre modèle économique, en augmentant notamment la taille de notre zone de stockage. On commence à se faire rémunérer pour les collectes et on aimerait arriver à se passer des subventions pour vivre. Mais dans 10 ans, notre vrai rêve serait d’ouvrir un autre local à Lyon et, qui sait, créer une cité du réemploi avec d’autres partenaires complémentaires ! »

Coordonnées

Minéka

4 allée du Textile
69 120 Vaux-en-Velin

https://mineka.fr/

Adhésion :
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